Pêche et météo :
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En fait son influence est multiple et surtout presque toujours indirecte : ce n'est pas le vent en lui-même qui modifie le comportement des poissons, mais les conséquences qu'il entraîne.
L'un de ses effets les plus spectaculaires car les plus visibles et immédiats, est la modification de la luminosité, dont nous avons déjà parlé dans la première partie de cet article.
Cette baisse de la luminosité est une des explications à l'augmentation de l'activité alimentaire des poissons, mais ce n'est pas la seule.
Il serait naïf de croire que le vent se contente de rider la surface de l'eau, mettant les poissons en confiance. Il a d'autres effets plus profonds et moins faciles à déceler.
Comme par exemple des modifications plus ou moins importantes de la température de l'eau et de sa teneur en oxygène dissout.
Ou encore des mouvements d'eau qui peuvent bouleverser l'écosystème et la chaîne alimentaire durablement (cycles saisonniers) ou de façon éphémère (à l'échelle de quelques jours).
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Ces modifications sont le plus souvent assez lentes et leur effet ne se fait sentir qu'après plusieurs heures ou même jours ventés, encore que cela soit très dépendant du milieu.
Un étang sera beaucoup plus affecté qu'un lac profond par un coup de vent, car toute la masse d'eau va être mise en mouvement et donc affectée.
Ce brassage homogénéise les températures, mélange les couches de fond et celles de surface, crée des courants et contre-courants qui concentrent la nourriture sur certains secteurs, tout en laissant éventuellement subsister quelques poches d'eau plus chaude ou plus froide sur certains secteurs abrités.
Bref dans ce cas c'est un bouleversement radical, et le poisson réagit par des ajustements rapides pour s'adapter à la nouvelle donne.
Il en résulte qu'en étang (ou grand plan d'eau peu profond) le pêcheur doit s'adapter plus rapidement aux aléas climatiques.
Cela peut-être un bien ou un mal selon les cas. Par exemple si sur un étang la pêche est devenu difficile en raison d'une météo caniculaire ou au contraire d'un froid extrême, un gros coup de vent aura souvent pour effet de relancer l'activité.
Inversement si la pêche est bonne et que l'on a plusieurs jours de vent glacial, le refroidissement brusque va clouer la gueule du poisson, alors que sur un lac voisin et profond cet effet néfaste sera sans doute atténué.
Dans un lac profond en effet, les choses sont plus compliquées. Il existe à certaines saisons une stratification thermique aux effets complexes, doublée d'une forte inertie aux variations de température en profondeur (effet tampon lié à la grande masse d'eau concernée).
Bien souvent un coup de vent passager n'aura d'incidence que sur les couches superficielles, sauf si le vent est très violent, qu'il persiste plusieurs jours et que l'écart de température entre l'eau et l'air est important.
Mais dans l'ensemble, sur un lac profond les effets d'un coup de vent passager, même fort, seront moins spectaculaires.
Vent et brochet
À la belle saison, par temps chaud et ensoleillé, et a fortiori en eau claire, une brise thermique soutenue qui se lève en fin de matinée ou début d'après-midi déclenche très souvent l'activité de certains poissons, brochet en tête.
Je me souviens d'une compétition carnassiers sur un barrage, par grand beau temps et lac d'huile. À midi 45 bateau n'avaient capturé qu'un seul brochet, seuls les sandres ayant fait preuve d'activité au petit matin.
En début d'après midi un vent modéré se lève, et en quelques heures il se prend 20 brochets, en plein soleil.
C'est un grand classique et les meilleurs compétiteurs en tiennent compte dans leur stratégie. Dans ce cas, c'est la diminution de la lumière entrante (réfléchie par les vaguelettes et rides de surface) qui semble déclencher l'activité sous l'eau.
La modification de la températures de l'eau et de la luminosité n'est qu'un des effets du vent. Il génère aussi des courants en poussant les masses d'eau.
Sous l'effet d'un vent fort et durable, un lac se transforme en rivière géante, avec un lent courant de surface qui pousse la nourriture disponible dans les premiers mètres dans une direction, des contre-courants en profondeur qui poussent la nourriture de profondeur dans une direction différente, des structures qui jouent le rôle de déflecteurs, créant des zones de courant plus vif et des poches d'eau calmes, et donc des zones d'alimentation privilégiées.
N'oublions pas ce principe toujours vérifié : chaque fois qu'une masse d'eau calme se met en mouvement, quelle qu'en soit la cause (éclusée, coup d'eau, resserrement important, marée, vent, etc.), le poissons entre en activité car la nourriture lui arrive en plus grande quantité.
Le principal maillon de la chaîne alimentaire en lac, le plancton, n'est pas apte à lutter contre un courant même faible. Il le subit, est dispersé, concentré, ballotté, renvoyé en surface ou vers le fond, etc.
Et le fretin qui s'en nourrit suit ces mouvement, entraînant les prédateurs avec eux. Ceci est difficilement perceptible à l'oil nu, mais l'observation au sondeur permet de déceler des changements de tenue et des concentrations ponctuelles de poissons les jours de vent fort.
Le pêcheur habitué à lire une rivière retrouve alors en lac des similitudes de comportement des poissons en présence de courant.
En rivière l'effet du vent est moins perceptible car c'est le courant naturel qui est le facteur prédominant. Encore que sur certaines grosses rivières situées dans des couloirs ventés il ait un effet non négligeable (on pense à la Camargue par exemple). Mais disons qu'il a alors moins d'influence sur les poissons que sur les pêcheurs.
Vent et sandre
C'est peut-être l'espèce qui répond le plus favorablement au vent.
À tel point qu'il existe clairement un « vent à sandre », ou plutôt un « temps à sandre », une combinaison de vent humide soutenu (20-25 km/h) qui soulève de petites vagues courtes, de ciel gris et sans doute de chute de la pression atmosphérique.
Ce temps porte d'ailleurs un nom aux USA pour la pêche du walleye (ou doré, cousin nord-américain du sandre) : le « walleye chop ». Condition météo jugée éminemment favorable des deux côté de l'Atlantique, et qui est également très propice à la capture de gros brochets.
Le pêcheur de sandre avisé ne se laisse donc pas intimider par une mauvaise météo, au contraire il la recherche.
Mais je le répète, le vent à lui-seul ne suffit pas à déclencher l'activité du sandre. Il faut souvent qu'il soit accompagné d'un temps maussade, gris, avec d'éventuels passages pluvieux.
Cette berge est à prospecter en priorité car c'est là qu'on a le plus de chance de trouver du poisson actif.
L'eau y est poussée contre la rive, accumulant de la nourriture. Le brassage par les vagues trouble l'eau tout en réduisant la luminosité entrante, augmente le taux d'oxygène en été, mais aussi désoriente les proies de petite taille (plancton, organismes divers, alevins).
C'est un peu le principe de la marée montante en mer. L'occasion de se nourrir facilement est trop belle et la plupart des poissons du secteur sont actifs et moins méfiants.
C'est pourquoi le pêcheur doit rechercher ces secteurs même s'ils sont inconfortables et difficiles à bien pêcher, et non pas rechercher les zones abritées, certes plus confortables mais moins productives.
Il faut noter que rive battue par le vent peut être très bonne quelle que soit la saison, y compris en plein hiver. J'ai fait ma plus grosse pêche de sandres et mon plus gros sujet (10kg100) du bord, un 30 janvier, avec un vent tel qu'il était impossible de sentir les touches. Si je m'étais écouté je serais resté au chaud à la maison, pourtant ce jour là il fallait être au bord de l'eau.
Bons et mauvais vents
Il n'est à mon avis pas raisonnable de préjuger de la valeur d'un vent pour la pêche en fonction de sa direction.
En effet selon le contexte (situation géographique, saison, température de l'eau) un vent peut être sec ou humide, chaud ou froid, bénéfique ou néfaste.
Par exemple en Provence un vent d'Est amène la pluie et le redoux, alors qu'en Alsace c'est une bise sèche.
Il est plus cohérent de chercher à comprendre l'influence des vents dominants dans la région où l'on pêche.
Les vents qui soufflent de la mer, en général doux et porteur de pluie, sont bons pour la pêche. Ils annoncent une perturbation et le poisson se nourrit.
Les vents qui chassent les nuages sont en général mauvais, ne serait-ce que parce qu'ils soufflent après le passage d'une perturbation et s'accompagnent d'un temps clair et froid.
Les brises thermiques (ou vents solaires) qui se lèvent en fin de matinée et tombent en fin d'après-midi sont souvent bons en été et néfastes en hiver.
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