Dossier : Polémique autour du moteur électrique

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du vide... juridique !

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Sommaire

- Pourquoi ce dossier ?
- Les techniques concernées
- Textes de loi
- Pourquoi y a-t-il polémique ?
- Position du CSP
- Position du président de l'UPF
- Positions des fédés
- Quelles solutions ?
- Le dénouement

Annexes

- Lettre pour fédération
départementale
(format Word)

- Lettre pour fédération
départementale
(format PDF)

De nouvelles techniques sont apparues ces dernières années, qui utilisent le moteur électrique en action de pêche. Pour certains c'est de la traîne, pour d'autres ce n'en est pas. Interrogées sur la question, les fédérations de pêche sont divisées. Le CSP quant à lui campe sur ses positions. Qui a raison ? Qui a tort ?

Pour corser le débat, ces techniques sont très employées en compétition, y compris lors de concours organisés par des fédérations de pêche qui considèrent que ces techniques sont illicites, et qui du coup se retrouvent bien embarassées...

Méconnaissance des réalités du terrain ? Double langage ? Une chose est sûre, ce dossier commence à faire désordre, et ne se résoudra pas en faisant semblant d'ignorer le problème.

Sauf exception, la pêche à la traîne est interdite en France par le code rural, mais sa définition n'y figure pas.

Les gardes considèrent qu'elle est caractérisée par l'utilisation du moteur simultanément à l'acte de pêche, mais cette interprétation sans nuances se heurte à l'apparition de techniques litigieuses inconnues il y a 10 ans.

Jusqu'à ces derniers temps cette interprétation très restrictive ne posait pas de problème, puisque par tradition la grande majorité des pêcheurs de carnassiers en barque s'ancraient ou pêchaient en dérive.

Mais depuis quelques années les moteurs électriques se sont perfectionnés (commande au pied, variateurs electroniques permettant un réglage très précis des vitesses lentes). De nouvelles stratégies de prospection ont vu le jour, qui utilisent le moteur pour longer la rive, se maintenir sur un poste, corriger la dérive ou même la provoquer en l'absence de vent.

Alors, traîne ou pas traîne ?

Si ce n'est déjà fait, lisez les deux textes qui tentent de donner une définition de la pêche à la traîne.

Ces textes s'appliquent-ils automatiquement, comme l'affirme le CSP, à toute utilisation d'un moteur en action de pêche ? A priori le bon sens permet de répondre par la négative. Ces deux définitions, en effet, précisent que la ligne doit être "traînée", c'est à dire à la remorque du bateau pour qu'il y ait acte de traîne. Cela suppose donc que ligne soit tendue à l'arrière du bateau, et rendue attractive par son déplacement.

J'insiste : elles ne disent pas que tout déplacement volontaire du bateau en action de pêche est interdit, mais uniquement que ce déplacement ne doit pas permettre de remorquer une ligne pour la rendre attractive.
Dés lors, il semble évident que si le pêcheur, lors du déplacement de l'embarcation, lance sa ligne vers l'avant ou vers le côté, et anime son leurre ou appât en le récupérant assez vite pour que son action ne soit pas imputée au déplacement du bateau, il n'y a pas acte de traîne. En effet le leurre n'est pas "remorqué", ni "traîné", ce n'est pas le mouvement du bateau mais bien l'action du pêcheur qui le rend attractif.

Les cas du "power fishing"

Il en résulte que le "power fishing" avec moteur électrique en marche ne peut pas être assimilé à de la pêche à la traîne, puisqu'il consiste à se déplacer en bateau en lançant dans toutes les directions (sauf vers l'arrière puisque précisément le mouvement du bateau nuirait au contrôle de la ligne), et à récupérer le leurre de façon active.

Pour les mêmes raison, il semble évident que le fait d'utiliser la force de propulsion du moteur pour contrer ou ralentir la dérive naturelle liée au courant ou au vent ne saurait en aucun cas être assimilé à de la pêche à la traîne. En effet, cette pratique revient à ralentir ou annuler les déplacements du bateau, ce qui va à l'encontre de la défnition même de la pêche à la traîne.

Ces deux cas permettent selon moi d'établir que "toute utilisation" d'un moteur en action de pêche ne tombe pas forcément sous le coup de la loi. Une évidence que beaucoup de pêcheurs bien informés des aspects techniques de la pêche ont compris depuis longtemps, ce qui explique que ces techniques soient couramment pratiquées, et en toute bonne foi, par des personnes sûres de leur bon droit.

Et pourtant, la pratique du "power fishing" avec déplacement au moteur telle que décrite ci-dessus est considérée comme illégale par de nombreux gardes, et notamment par des juriste du CSP. J'en veux pour preuve la réponse de la fédération du Lot et Garonne.

C'est d'autant plus étonnant que la fédération du Lot et Garonne a organisé en 2006 un concours carnassiers fort réussi lors duquel la majorité des concurrents et notamment les vainqueurs ont employé cette technique. J'y étais en tant que reporter donc je peux en attester, et j'ai même pu filmer certaines séquences qui figurent sur mon site.

En voici une qui se passe de commentaires :
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Les vainqueurs en action

13,4 Mo

On mesure bien le décalage qui existe entre le discours officiel et la réalité. Finalement, on pourrait résumer la position embarassée du président de la fédération du Lot et Garonne, fort sympathique au demeurant et plein de bonne volonté, par cette boutade : "C'est interdit, tout le monde le fait et ça ne pose pas de problème, mais si vous vous faites prendre je ne vous connais pas..." smile

La position de la fédération de pêche de Corrèze est moins nuancée (p. 1 et 2). On peut d'ailleurs lire sur la page réglementation de son site internet que le fait d'utiliser un moteur électrique en continu peut être assimilé à de la traîne même si l'action de pêche se fait sur le côté ou vers l'avant.

Elle s'appuie il est vrai sur un courrier du CSP qui est catégorique. Reste que la Corrèze organise en juin 2007 un grand concours carnassiers sur le lac de Bort-les-Orgues, ou un PV a déjà été dressé à l'encontre d'un verticalier.
On attend le gratin des compétiteurs français. Sera-t-elle aussi pointilleuse au sujet de l'utilisation du moteur électrique lors de cette rencontre qu'elle l'est le reste de l'année ?...

D'autres fédérations prennent au contraire clairement position en affirmant par écrit que ces techniques sont légales dans leur département. C'est un point positif, mais reste à savoir si les agents du CSP en place partagent cet avis, sinon...

Le cas de la verticale

Reste le cas plus problématique encore de la "verticale". Il faut tout d'abord souligner un paradoxe lié au fait que cette technique est bien mal nommée. La plupart des personnes qui ne la connaissent pas, et que l'on interroge sur sa légalité, répondent en toute logique que si la ligne est verticale ce n'est pas de la traîne.
En réalité, il y a confusion entre certaines pêches pratiquées à la verticale d'un bateau (pêche à la dandine, à la sondée, etc.) où une ligne est tenue et animée dans un plan strictement vertical, bateau immobile, et la "verticale", qui consiste à tenir une ligne au dessus du fond et à explorer le relief en animant un montage tandis que le bateau se déplace lentement, sous l'effet du vent ou du moteur électrique.

Il est clair que cette malheureuse ambiguité linguistique ne facilite pas le dialogue avec les autorités et leur compréhension du problème. J'imagine la tête du juge chargé de faire la différence entre pêche à la verticale et "verticale"...

Il me semble plus simple d'aborder la question sous un angle plus pragmatique : le fait d'animer un montage à la verticale d'un bateau pendant qu'il se déplace lentement sous l'effet d'un moteur est-il assimilé à de la pêche à la traîne ?

En toute objectivité il faut bien admettre que l'on se rapproche dangereusement de la définition de la traîne donnée par la doctrine. Il est toutefois possible de trouver des arguments qui tendent à faire sortir la "verticale" du champ d'application de cette définition.

Par exemple on peut argumenter que la mise en mouvement de l'embarcation n'est pas destinée à traîner la ligne et encore moins à rendre le leurre attractif, notamment en raison de la faible vitesse de déplacement.
Elle a pour but de positionner l'embarcation à la verticale du poisson, l'appât étant rendu attractif par l'animation que lui donne le pêcheur. Le déplacement permet simplement d'éviter d'avoir à remonter la ligne avant chaque mise en marche du moteur, puisque les déplacemenst sont de très faible amplitude.

Mais il s'agit là, soyons en conscients, de subtilités techniques qu'il ne sera pas forcément facile de faire admettre à un garde ou à un juge.

L'esprit de la loi

Un autre approche, classique en cas d'ambiguité sur l'interprétatioon d'un texte de loi, consiste à essayer de comprendre l'esprit de la loi, pour savoir si l'acte litigieux est concerné.

Autrement dit cela revient à définir la traîne non plus par les moyens mis en oeuvre mais par les objectifs poursuivis, ou plutôt par l'intention.

La traîne est caractérisée dans l'esprit par son caractère de prospection intensive, rapide et systématique, et par le côté passif du pêcheur qui laisse le soin au moteur de trouver le poisson, d'animer l'appât pour le rendre attractif, et donc de prendre le poisson. Il y a là un aspect "pêche aux engins", ce qui explique que la traîne soit autorisée aux pêcheurs aux engins.

Si l'on retient cette définition, alors il ne fait guère de doute que la pêche verticale, qui est une pêche de précision lente et appliquée, dans laquelle le pêcheur anime l'appât, cherche le poisson et déploie son art pour le faire mordre n'est pas dans l'esprit de la pêche à la traîne.

Mais bien entendu, il s'agit là de mon interprétation, et il ne faut pas vous attendre à ce qu'elle soit reprise spontanément par un garde ou un juge.
Elle peut toutefois servir d'argumentaire.



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